La vie d'un sirénien n'est pas toujours facile. Lorsqu'il était plus jeune, Musim n'avait pas beaucoup d'amis. Son peuple étant plutôt peu nombreux dans les mers et océans. Il vivait du côté ouest de l'île, non loin d'un groupe de grosses tortues et autres raies. Pour un petit sirénien, pas question d'aller à l'école ou autre établissement d'apprentissage si propre à la culture humaine. Lorsque l'on est un sirénien, on apprend des choses de sirénien. Il suivait souvent d'autres spécimens plus âgés que lui dans leurs escapades terrestre, usant de leurs charmes pour séduire des jeunes filles crédules la majeures partie du temps. Mais pour Musim, les motivations qui le poussaient à explorer l'île étaient bien différentes. Ce qui 'l'intriguait c'était les villes situées dans les terres. Il grandit dans l'espoir de pouvoir se mêler aux humains et de vivre comme eux.
Dans la vie d'un Duyung vient le jour où il doit faire cavalier seul. C'est comme devenir majeur, on prend son indépendance et l'on est responsable de soit. Musim voulut directement partir se trouver un endroit où vivre non loin d'une grande ville. Les Hollandais s'étant installés dans une des plus grandes villes de l'île, c'est naturellement qu'il fut intrigué par ce nouveau peuple qu'il n'avait encore jamais vu. Ces gens étaient bien différents des natifs de Java et ce n'était pas pour déplaire au jeune duyung. Nombre de leurs manières plurent au sirénien, aussi chercha-t-il à se rapprocher de ceux que certain javanais appelaient des « envahisseurs ». Cette expression faisait sourire Musim à chaque fois qu'il l'entendait. Beaucoup d'humain pensaient que tout leur étaient dûs et que le rôle de l'envahisseur n'était jamais (ô grand jamais) endosser par eux-même.
Il entreprit de quitter les quartiers des natifs pour se fondre dans la société néerlandaise. Ce sont des moments qui marqueront à tout jamais sa vie. C'est au court de cette période qu'il prit conscience de la profondeur des habiletés naturelles des duyung et surtout de leurs façons de servir ses intérêts. Il courtisa une belle jeune fille, héritière d'un commerçant moyennement riche qui s'était installé sur l'île espérant prospérer. Nuit après nuit, il jouait les hommes mystérieux, cultivant l'amour et exacerbant le désir que la fille avait de le revoir. La jeune femme lui apprit à parler le néerlandais et avait une passion pour la musique classique. C'est à ce moment qu'il découvrit les symphonies et voulut apprendre de la jeune humaine. Il va de soi que le sirénien n'avait aucun véritable sentiment pour la jeune fille. Il l'appréciait seulement pour ses talents d'institutrice surtout en ce qui concerne la musique. Il apprit grâce à elle la maîtrise du violoncelle, instrument grâce auquel il a atteint la notoriété qu'il a aujourd'hui.
Un jour -cela doit faire 5 ou 6 ans- afin de pouvoir asseoir totalement sa domination sur l'esprit déjà totalement conquis de la jeune femme, il entreprit de partager son lit. Par manque de chance, cette nuit là le père les surpris pendant l'acte. Il tempêta et rouspéta si fort qu'il en avait réveillé tout le quartier. Musim eut à peine le temps d'attraper ses vêtements qu'il se fit jeter dehors, passant par une fenêtre pour atterrir dans le buisson touffu un étage plus bas. Il repartit en courant plus vite qu'il ne l'avait jamais fait pour récupérer sa peau sur la plage et filer dans son repaire sous-marin.
Il apprit par la suite que la jeune fille repartirait pour Amsterdam dès la fin de la semaine. Pour cadeau d'adieu il reçut d'elle le violoncelle de la dame. L'instrument finement ouvragé est pour lui comme un trophée représentant sa vie parmi les humains. Il l'utilise encore aujourd'hui lorsqu'il donne ses représentations. Musim regarda le bateau partir et laissa couler une petite larme, remerciant ainsi la jeune fille pour lui avoir donné les clefs pour entrer dans la société des occidentaux.
Les temps qui suivirent virent son ascension fulgurante jusqu'aux sommets de la gloire. Il s'entraînait des heures durant, jours après jours et nuits après nuits pour maîtriser à la perfection son instrument. Il savait que cela lui donnerai toute la renommée et la richesse dont il aurait besoin pour vivre une vie de prince. Il commença par se produire sur les places publiques puis dans des débits de boisson. Il se fit rapidement remarquer par des hommes influents qui voyaient en lui la façon de se faire bien voir des indigènes. « Voyez comme votre peuple peut maîtriser les techniques raffinées de la musique ! » ou encore « C'est le parfait exemple d'intégration dans notre société! »
Des paroles en l'air et vide de sens. Musim le savait bien, les gens se servaient de son apparence de natif javanais pour faire passer quelques messages de propagandes. Mais il s'en fichait puisque cela lui permettait de s'élever et de combler ses désirs. Il vit maintenant dans une belle maison du quartier Hollandais, reliée par un tunnel très ancien à une cave sous-marine qui lui donne accès à la mer. Il fréquente les réceptions et les bals, prenant très souvent avec lui son violoncelle avec lequel il charme son entourage. Il ne voit pas beaucoup d'autre duyung et préfère la compagnie des humains, il se montre tout de même amical envers les peu de siréniens qu'il croise.
Son cœur contient pourtant une case vide. Bien qu'il ait tout ce qu'il désire: bonne situation, belle maison, des hommes et des femmes prêts à se jeter à ses pieds... Il lui manque désespérément quelque chose. Une chose insaisissable et qu'il aimerait découvrir par-dessus tout...