Maximilian Vespres s'est enregistré voici trois ans déjà à la douane de Batavia, sous un passeport néerlandais qu'un bakchich rendit conforme. Ne possédant tout juste que la maigre fortune nécessaire à l'ouverture d'une boutique, le jeune homme ouvrit avec un de ses amis locaux ce qui devint l'une des innombrables fumeries d'opium de l'île, dont les recettes lui suffisent selon les rumeurs à économiser pour ses vieux jours. Très au contact des Javanais, son apprentissage de la langue semble s'être nettement amélioré ces derniers mois, après des débuts difficiles que son Néerlandais couplé à son Français ne comblaient qu'à moitié.

C'est sous le nom de Lionel Travers qu'il faut néanmoins le rechercher avant son arrivée dans les Indes Orientales Néerlandaises, pour le retrouver à Bruxelles où, membre actif de l'Association Internationale des Travailleurs, il côtoya les éminences anarchistes et marxistes de son époque. Des recherches approfondies permettent ainsi d'estimer son séjour à quatre années, après lesquelles il disparut des Pays-Bas, parallèlement à la destruction d'un hôtel de luxe ravagé par une bombe, quelque part dans la capitale Néerlandaise. Lionel en fut plus tard inquiété, mais la police ne parvint à retrouver aucune trace de lui  sur le continent européen. Par ailleurs, aucun document ne semblait attester de l'existence d'un tel individu quelques années plus tôt encore.

Car le véritable nom de Maximilian dit Lionel, ne s'avère qu'après quelques recherches fortuites n'être autre que Mathieu Pèlerin, fils d'Alphonse et Fabienne Pèlerin, tous deux décédés lors de l'affaire de la Commune de Paris de 1871. Anarchistes proclamés, ils défendirent comme tant d'autres les barricades face à l'assaut de l'armée qui marchait sur la ville indépendantiste, et si l'un périt officiellement au combat sous les balles, les brefs comptes rendus martiaux font état d'une exécution sur place pour la seconde.
Dans la confusion générale et dans la difficulté de reconnaître certain des corps meurtris, on déclara de manière égale leurs enfants décédés, ces derniers ayant par erreur été pris dans les fusillades. On fit ainsi une tombe vide pour le jeune Mathieu, et une pour Elsa, comblée, sa plus jeune sœur.